La décision de la Banque d’Angleterre (BoE) du 1er août de réduire ses taux d’intérêt de 25 points de base, ramenant le taux bancaire de 5,25 % à 5 %, un sommet depuis 16 ans, a déclenché un débat crucial : est-ce le début d’un mouvement plus large vers une normalisation des taux à des niveaux plus bas ? Le Comité de politique monétaire (MPC) était divisé de justesse, avec un vote de 5 à 4, ce qui laisse entrevoir un changement potentiel de position de la BoE. Pourtant, l’incertitude plane alors que la Banque évalue les risques d’agir trop vite ou trop lentement.
Dans le cadre de son objectif d’inflation, la politique monétaire de la BoE est intrinsèquement tournée vers l’avenir, ancrée dans un mandat visant à maintenir l’inflation à un niveau cible fixé par le gouvernement de 2 %. La Banque ajuste le taux d’escompte pour influencer les taux d’intérêt du marché et la demande globale, alignant l’inflation réelle sur cet objectif. Ce processus repose sur la formation d’anticipations rationnelles par les ménages et les entreprises concernant l’inflation – des anticipations que la BoE façonne par ses actions et ses communications. La réduction de l’incertitude concernant les prix futurs est une pierre angulaire de la crédibilité de la Banque depuis qu’elle a obtenu son indépendance opérationnelle pour fixer les taux directeurs en 1997.
La forte baisse de l’inflation par rapport à son plus haut niveau depuis 40 ans, à un peu plus de 11 %, en octobre 2022, suggère que le cycle de resserrement de la BoE a peut-être finalement maîtrisé la flambée des prix. En mai, l’indice des prix à la consommation (IPC), la mesure officielle de la stabilité des prix, était retombé à 2 %, où il était resté en juin, marquant ainsi le niveau le plus bas depuis trois ans. Cependant, les données publiées aujourd’hui montrent que l’IPC a augmenté à 2,2 % en juillet, marquant la première hausse depuis décembre 2023, bien qu’elle soit toujours inférieure aux prévisions. L’inflation sous-jacente, qui exclut les coûts volatils des aliments et de l’énergie, et qui est surveillée de près par la Banque, est tombée à 3,3 %, contre 3,5 % en juin.
Le taux directeur actuel de 5 % au jour le jour reste nettement supérieur au taux de 0,75 % d’avant la pandémie (et aux taux à long terme actuels du marché, autour de 4 %), ce qui reflète la position prudente et restrictive de la Banque dans un contexte de risques inflationnistes persistants. Alors que la BoE prévoit une légère hausse de l’inflation à 2,75 % plus tard dans l’année, ses prévisions pour 2026 et 2027 (2 % et 1,8 % respectivement) laissent entrevoir un retour progressif à la stabilité. Cette trajectoire souligne la nécessité potentielle de nouvelles baisses de taux lors de la réunion du Comité de politique monétaire du 19 septembre et lors des deux réunions restantes avant la fin de l’année.
Il est important de noter que les changements de taux d’intérêt n’ont pas d’impact immédiat sur l’économie réelle. La politique monétaire fonctionne avec des « décalages longs et variables », notamment en ce qui concerne ses effets sur la production et l’inflation. Il peut falloir plusieurs trimestres pour qu’une baisse des taux influence pleinement les dépenses de consommation, les investissements des entreprises et l’activité économique globale. Ce retard complique le calendrier des décisions de la BoE. Le MPC suit traditionnellement une approche dépendante des données, mais ce gradualisme pourrait se retourner contre elle. Retarder de nouvelles baisses pourrait nécessiter des mesures drastiques en 2025 si les conditions économiques se détériorent (au niveau national ou international) – un scénario que la BoE souhaite éviter.
L’approche prudente de la BoE doit également tenir compte des attentes du marché. Si les marchés financiers ne dictent pas la politique, ils influencent considérablement le paysage économique. Les marchés anticipent déjà deux baisses de taux supplémentaires de 0,25 % avant la fin de l’année, ce qui abaisserait le taux bancaire à 4,5 %. Si ces attentes ne sont pas satisfaites, la volatilité et l’instabilité pourraient s’accroître sur les marchés financiers et dans l’ensemble de l’économie. Après avoir été critiquée pour sa réaction lente à la flambée de l’inflation en 2021-2022, la BoE est parfaitement consciente des risques de décevoir les marchés. Il n’a jamais été aussi urgent de trouver le juste équilibre entre les signaux du marché et son mandat en matière d’inflation, les marchés monétaires anticipant actuellement une probabilité de 37 % d’une nouvelle baisse des taux lors de la prochaine réunion.
Plusieurs indicateurs économiques clés influenceront fortement la fonction de réaction du Comité de politique monétaire (son processus de prise de décision). Le taux de chômage, qui a chuté de manière inattendue à 4,2 % en juin, reste faible par rapport aux normes historiques, mais montre des signes de ralentissement. La légère amélioration de l’emploi le mois dernier – malgré les attentes d’une hausse à 4,5 % – est notable mais ne devrait pas à elle seule justifier une suspension des nouvelles baisses de taux.
La Banque d’Angleterre a déjà été malmenée par une mauvaise évaluation de la trajectoire de l’inflation, et le spectre de 2021 plane sur elle. L’inflation des services, qui a chuté plus que prévu à 5,2 % en juillet, reste obstinément élevée, tirée par une demande robuste dans un marché du travail tendu. La croissance des salaires présente également un dilemme : si elle stimule les dépenses de consommation, elle alimente également l’inflation si elle ne s’accompagne pas de gains de productivité correspondants. À 5,4 % en juin – près du double du taux que la BoE considère comme compatible avec une inflation de 2 % – la Banque doit faire preuve de prudence pour éviter d’ancrer les attentes inflationnistes.
Toutefois, une approche trop prudente pourrait devenir le talon d’Achille de la BoE.
La masse monétaire, qui n’est généralement pas au cœur des préoccupations du Comité de politique monétaire, a pris une importance accrue dans les discussions récentes. Pour maintenir une inflation stable et une croissance économique constante, la masse monétaire doit généralement croître à un rythme annuel de 4 à 5 %. Bien que les chiffres récents montrent une certaine amélioration, le faible taux de croissance annuel de 1 % (2,5 % sur une base annualisée sur trois mois) pourrait donner à la BoE une marge de manœuvre supplémentaire pour réduire les taux sans déclencher une résurgence de l’inflation.
Les projections de croissance compliquent également la situation. Les dernières prévisions du PIB suggèrent une croissance annuelle d’environ 1,5 % pour 2024, ce qui semble optimiste. Selon la règle de Taylor – une ligne directrice de politique monétaire qui lie les taux d’intérêt aux niveaux d’inflation et de croissance économique – les taux directeurs devraient sans doute être plus proches de 3,5 % à 4 %, ce qui suggère que la position actuelle de la BoE pourrait être trop restrictive.
Le contexte mondial ajoute une couche supplémentaire de complexité. La BoE évolue dans un monde où les actions de la Réserve fédérale américaine, de la Banque centrale européenne et d’autres grandes banques centrales ont des effets profonds sur les conditions financières mondiales. La vigueur du dollar américain, par exemple, a déjà fait augmenter les prix à l’importation, ce qui complique la lutte de la BoE contre l’inflation. Tout décalage avec les autres banques centrales pourrait déclencher une volatilité indésirable sur les marchés des changes et des obligations.
Le Comité de politique monétaire est pris dans une impasse : agir trop tôt, c’est risquer de relancer l’inflation ; attendre trop longtemps, c’est étouffer une reprise déjà fragile. Les enjeux sont élevés et la marge d’erreur est très mince. À l’approche de la réunion de septembre, les délibérations du Comité de politique monétaire seront scrutées plus que jamais, les acteurs du marché, les décideurs politiques et le public attendant avec impatience un signal clair sur les intentions de la Banque.
En fin de compte, le défi de la BoE ne consiste pas seulement à fixer les taux d’intérêt, mais aussi à gérer les attentes – celles des marchés, des entreprises et des ménages. Une stratégie claire et bien communiquée, fondée sur une évaluation réaliste des risques, est essentielle. La BoE a déjà traversé des eaux turbulentes, mais la route qui l’attend pourrait bien être la plus périlleuse de son histoire. Va-t-elle baisser ses taux en septembre ? La réponse réside autant dans la confiance du Comité de politique monétaire dans son propre jugement que dans les indicateurs économiques eux-mêmes.
Damian Pudner est un économiste indépendant et professeur invité sur la politique monétaire et la stabilité financière. Il a travaillé pendant plus de 25 ans à Londres dans plusieurs banques d’investissement et institutions financières de premier plan.
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